La La Land séduit en deux et en trois dimensions

http://ici.radio-canada.ca

Publié le lundi 3 juillet 2017

L’orchestre sous la direction du chef Erik Ochsner et « La La Land », le film, sur écran géant. Photo : Photo Victor Diaz-Lamich/courtoisie FIJM

CRITIQUE – C’est un film? C’est un concert? Non. C’est bien plus que ça. C’est La La Land in Concert, un deux-pour-un culturel atypique qui proposait, hier, à la salle Wilfrid-Pelletier, la projection du film oscarisé sur écran, en simultané avec l’interprétation de la musique de la production par des musiciens en chair et en os. Beau programme.

UN TEXTE DE PHILIPPE REZZONICO

Cette fusion entre le quatrième (musique) et le septième (cinéma) art n’est pas nouvelle et le Festival international de jazz de Montréal a proposé des spectacles de ce genre dans le passé. Les membres de l’orchestre, sous la direction du chef américain Erik Ochsner, qui étaient tassés comme des sardines sur les planches, devaient relever plusieurs défis.

Il allait de soi que l’obligation de reproduire – presque à l’identique – l’intégralité de la musique de Justin Hurvitz dans un synchronisme parfait avec les images était déjà contraignante. Mais, difficulté supplémentaire, il n’y a pas que des pièces instrumentales dans le film du réalisateur Damien Chazelle. Il y a aussi plusieurs chansons.

Or, aucun interprète n’accompagnait l’orchestre. Les chansons étaient donc toujours interprétées par les acteurs et les actrices en deux dimensions. La marge d’erreur était d’autant plus mince pour les instrumentistes qui ne voyaient pas défiler le film sur l’écran géant au-dessus d’eux. Seul Ochsner pouvait le voir. Et à cet égard, le chef d’orchestre a été d’une remarquable précision à la direction musicale.

Une question d’équilibre

L’autre défi technique était de trouver l’équilibre entre la bande sonore du film et la musique offerte par l’orchestre. Ce fut couci-couça au début, surtout lors de la désormais célèbre scène de danse filmée en un plan-séquence sur l’échangeur embouteillé de Los Angeles (Another Day of Sun).

Probablement parce qu’il s’agit du moment dans le film où il y a le plus de chanteurs qui s’éclatent en même temps. Lors des chansons interprétées par Sebastian Wilder (Ryan Gosling) et Mia Dolan (Emma Stone), la qualité sonore était nettement supérieure.

A priori, je me disais que seule la proposition musicale organique se voulait l’incitatif des spectateurs à assister à cet événement. Après tout, tout le monde a vu le film, n’est-ce pas? Pas moins de 14 nominations aux Oscars et 6 statuettes à la clé, dont celles du meilleur réalisateur (Chazelle), de la meilleure actrice (Stone), de la meilleure chanson (City of Stars) et de la meilleure musique de film.

Or, à entendre les réactions de la foule lors des moments d’humour, on pouvait conclure qu’un nombre impressionnant de festivaliers n’avaient jamais vu le film. On note que, pour cette escale québécoise de la tournée La La Land in Concert, on avait pris soin d’intégrer le sous-titrage en français, paroles de chansons incluses. Chapeau.

Je ne sais trop pour vous, mais la présence de sous-titres, même quand je n’en ai pas besoin, attire immédiatement mon regard vers ceux-ci. Ajoutez cela au fait que l’on regarde tout naturellement l’écran et vous comprendrez que l’on plongeait de plus en plus rapidement dans le vif du film.

La magie opère

Dans la séquence où Mia et Sebastian y vont de pas de danse dignes de Ginger Rogers et Fred Astaire avec Los Angeles en toile de fond (A Lovely Night), la musique de l’orchestre était envoûtante au possible. Encore plus vrai dans la scène où le duo flotte dans les airs à l’observatoire (Dancing in the Stars). C’était aussi magique qu’au cinéma. En fait, nous étions toujours au cinéma…

C’est d’ailleurs la grande force de ce spectacle. En entrant dans la salle, on voit cet immense orchestre. Et plus le film défile, plus on oublie les musiciens, sauf si l’on est très près de la scène.

On n’y pense plus, au point que l’on se fiche complètement que la séquence au club de jazz ne soit pas parfaitement synchronisée. Le jazz, ça demeure de l’improvisation, après tout.

Durant la dernière demi-heure, la musique de l’orchestre semblait complètement émaner du film. Il n’y avait plus aucune distinction entre l’écran et la scène. J’étais complètement subjugué par le drame amoureux, comme je l’étais quand j’ai vu La La Land l’an dernier.

Et j’étais incapable de m’enlever de la tête la mélodie du thème Mia and Sebastian, qui revient périodiquement, et qui nous fige lors de la dernière scène, l’une des meilleures finales que l’on puisse imaginer au cinéma.

C’est à ce moment que tout le monde s’est rappelé que nous étions devant un orchestre, qui a eu droit à une ovation plus que méritée. Enfin, pas tout de suite, car Oschner et ses musiciens ont réinterprété trois morceaux lorsque défilait le générique.

Je n’ai jamais vu tant de monde demeurer jusqu’à la fin d’un générique au cinéma… Mais il est vrai qu’hier, La La land in Concert, c’était bien plus qu’une simple comédie musicale sur grand écran.